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  • Didier Leuba
  • J'effectue des recherches sur ma propre famille ainsi que toutes les autres familles LEUBA originaires de Buttes et de la Côte-aux-Fées.
Pour me contacter: didierleuba@hotmail.com
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L'opinion qui soutient que le Val-de-Travers, couvert d'impénétrables forêts, fut inconnu et désert jusqu'aux missionnaires chrétiens, ne peut plus être maintenue. Les montagnes et les vallées de Suisse ont été parcourues par des peuplades qui y ont séjourné plus ou moins longtemps. En tout cas, ces peuples d'autrefois ont traversé l'Areuse, car on a retrouvé à diverses reprises des objets : aiguilles, anneaux, semblables à ceux qu'on a recueillis dans les stations lacustres. On a même trouvé des hachettes de pierre à Noiraigue. Puis à leur tour les Celtes ont visité le Val-de-Travers, dans lequel ils ont laissé, sinon des preuves matérielles de leur passage, du moins des traditions, des légendes, des souvenirs et des noms attachés à certains objets et à certains lieux.

Ensuite les Romains y vinrent aussi ; les savants leur attribuent la construction des vieilles vy (routes) que l'on retrouve ici et là et dont la plupart sont couvertes par les ronces et les buissons. Une route romaine partant de la vallée du Doubs, parcourait dans toute sa longueur le Val-de-Travers. Il y a quelques années, une pluie diluvienne avait raviné jusqu'à une profondeur d'un mètre le chemin de la Chaîne (Saint-Sulpice) et emporté, en certains endroits, tout le tablier de la route. L'antique voie romaine fut alors découverte et l'on put remarquer qu'elle était formée de moëllons d'un pied cube environ, grossièrement taillés mais très solidement juxtaposés ; sa largeur était d'environ deux mètres. On a découvert aussi en plusieurs endroits des pièces de monnaies romaines d'or ou d'argent. C'est la première mention historique que l'on rencontre chez plusieurs auteurs. Jules César fit bâtir la Tour-Bayard au-dessus de Saint-Sulpice et y plaça une garnison. Cette tour a subsisté jusqu'en 1517, époque où elle fut renversée par un ouragan. Toutes les tentatives de reconstruction échouèrent ; mais il y a plusieurs années, à la suite de divers travaux, les fondements furent mis à découverts.

Sous la domination des Francs nous ne rencontrons qu'un détail : Lothaire, roi de Lorraine, donna le Comté de Bourgogne, dans lequel était enclavé le Val-de-Travers, à Girard de Roussillon qui construisit vers 871 la tour de Buttes, appelée le Château de Roussillon, dans lequel il mit un receveur pour percevoir le péage. Buttes était l'endroit par où l'on passait pour aller en Bourgogne et dépendait avec le Val-de-Travers de la Franche-Comté. Nous avons vu avec l’histoire de la vie religieuse comment le prieuré de Saint-Pierre à Môtiers était seigneur primitif de la vallée (ainsi que du Val-de-Ruz) et rattaché au domaine royal de Bourgogne. La mention qui en est faite dans le diplôme de Henri IlI (entre 1049-1056) le prouve, mais cette autorité politique du prieuré ne dura pas, les seigneurs de Neuchâtel, avoués du prieuré, se montrèrent de bonne heure très disposés à en accaparer tous les droits temporels et en firent insensiblement une institution religieuse privée. En 1153, le Vallon fut adjugé par l'empereur Frédéric Ier, surnommé Barberousse, à Guillaume, frère de Renaud, comte de Bourgogne, comme un fief particulier sur lequel l'empereur s'était réservé la haute souveraineté. Ce Guillaume eut un fils nommé Renaud, qui eut comme successeur Girard de Vienne, comte de Bourgogne et connétable de la Franche-Comté. Ce Girard étant en même temps seigneur d'Orbe et baron de Grandson, avait remis en amodiation (droit d'occupation ou d'exploitation accordé en échange d'une redevance) le Val-de-Travers à un certain Lambert (1213).

En 1218, il intervint un échange entre Ulrich de Neuchâtel et Girard de Vienne. Celui-ci reçut les seigneuries qu'Ulrich possédait sur la Saône, et Ulrich prit possession du Val-de-Travers (y compris les Verrières alors couvertes de forêts, et la Brévine). Ulrich obtint après cela que le Val-de-Travers fût érigé en baronnie, mais la délimitation de cette baronnie avec celle de Grandson donna lieu à des difficultés qui ne trouvèrent leur solution que cinq siècles plus tard, le 17 juin 1717. Le comte Ulrich fut ainsi le premier et le seul baron du Val-de-Travers. C'est à lui qu'on attribue la construction du château de Môtiers, nommé le Châtelard, et obligea les habitants du Vallon à garder ce château comme on faisait dans leurs bourgs. Cette dernière servitude de la garde du château fut convertie plus tard en une redevance annuelle d'une émine de froment connue sous le nom d'émine de la porte. Il leur accorda d'autre part le droit de porter leurs effets dans ce château en temps de guerre, afin de les mettre en sûreté. Ce château, placé sur la colline à 111 mètres au-dessus du pont de l'Areuse, était un manoir féodal. Lambert, qui tenait le Val-de-Travers en amodiation de Girard de Vienne, comte de Bourgogne, reçut d'Ulrich quelques terres en fief. On le nomma le fief du Grand Jacques du Vauxtravers et en 1301 fief du Terraux à qui il fut inféodé. En 1301, Amédée de Vauxtravers, bâtit dans le village de Môtiers une espèce de forteresse qu'il fit entourer de fossés avec un pont levis, et reconnut tenir cette propriété du prieur de Môtiers sous le cens de cinq sols faibles. Les tuteurs de Rollin, encore mineur, s'opposèrent à l'établissement de cette forteresse et voulurent la confisquer, estimant que le comte seul avait le droit de posséder une forteresse avec pont levis. Amédée et le prieur se soumirent et la maison releva du comte. Cette forteresse a disparu et on n'en connaît pas même l'emplacement. Cette maison du Vauxtravers, qui prit le surnom de Du Terreaux, possédait un fief considérable et s'éteignit dans le XlVe siècle. Une fille porta en 1343 son nom et sa fortune à Antoine d'Andoing (voir plus loin) gentilhomme gascon, qui prit le nom et les armes de sa femme; cette nouvelle tige fut encore renouvelée par le mariage d'Isabelle, fille d’Antoine Du Terreaux avec François Mayor de Romainmôtier, qui prit aussi le nom et les armes de Du Terreau. Elle s'est éteinte au commencement de ce siècle.

Dès cette époque, il exista de nombreux fiefs qui peu à peu furent réunis au comté de Neuchâtel. Rodolphe III comte de Neuchâtel et Ulrich son frère n'avaient pas encore partagé la succession de leur père Ulrich III, lorsque Rodolphe mourut laissant un fils en bas âge, Berthold, qu'il plaça sous la tutelle du comte d'Aarberg, son oncle. L'oncle et le neveu vécurent dans cette indivision jusqu'à la majorité du jeune Berthold. Leur partage se fit en 1235. Berthold eut le comté de Neuchâtel, Ulrich les terres allemandes du comté de Fenis et la seigneurie de Valangin, celle-ci comme fief de Neuchâtel. Ulrich céda à son neveu Berthold le Val-de-Travers, qui fut par ce moyen réuni au comté de Neuchâtel dix-huit ans après avoir été détaché de Grandson. A cette époque l'ancien comté de Neuchâtel ne dépendait pas encore de la maison de Châlons, mais bien le Val-de-Travers, aussi Berthold devenu propriétaire en fit hommage en 1237 à Jean Ier de Châlons: « Moi, Berthold, sire de Neuchâtel, à tous présents et à venir, je déclare que j'ai fait hommage à noble baron, monseigneur Jean, comte de Bourgogne... et que j'ai reçu de lui en fief et chasement tout ce que je possède au Val-de-Travers avec terres, prés, forêts, eaux, joux, villages, justice, plus la garde du Prieuré de ladite vallée, sauf le péage, la chasse et quelques colons qu'on appelle reyes (gens de guerre) ». A Berthold succédèrent Rodolphe III, Ulrich IV mort en 1277 et Amédée mort en 1286. Aucun fait saillant ne marque l'histoire du vallon dans cette période. Il est impossible d'indiquer l'époque où cette contrée a reçu les premiers habitants. Placée sur le passage de Neuchâtel à Pontarlier ou si l'on veut de Noidenolex à Abiolica, on peut supposer que quelques familles cherchant leur subsistance s'arrêtèrent de très bonne heure dans cette portion de pays arrosée par une rivière importante, poissonneuse et possédant une riche végétation. Des moines habiles à se choisir des emplacements avantageux s'établirent où est actuellement Môtiers, et y fondèrent une chapelle et une résidence dont on ne connaît ni le fondateur, ni la date exacte de fondation, mais que l'on croit contemporain des abbayes de Bevaix et de Corcelles. Elle ne tarda pas à attirer des habitants et Môtiers lui doit probablement son existence et son nom.

Avec la fin du XIIIe siècle une cohésion plus étroite s'établit entre les divers groupes de population. A ce moment les habitants étaient divisés en deux classes : les hommes libres et les serfs. Ces derniers formaient la masse de la population. Les habitants, malgré leur servage, formaient déjà des communes distinctes. A la tête des communes se trouvait un major, chargé de percevoir les revenus et de rendre la justice. En cas de difficulté, le comte jugeait avec sa cour plénière. Les chroniqueurs disent que vers 1291, quarante-cinq familles de Genève, ayant appris le bon accueil que les sires de Neuchâtel avaient fait à trente autres familles, lesquelles avaient reçu des terres à défricher, vinrent s'établir au Val-de-Travers. Puis à la suite de la destruction de Bonneville par Rollin, une partie des habitants de cette malheureuse cité vinrent aussi au Val-de-Travers. Si l'on veut avoir quelques notions sur l'état politique et social du pays vers la fin du XIIIe siècle, il faut les chercher dans la Charte des droits de la maison du Vauxtravers dans la vallée de ce nom. Les seigneurs percevaient diverses redevances sur les collecteurs de poix, les faucheurs, les taverniers. Le Val-de-Travers réuni à la directe en 1236 n'offre pas jusque-là d'événements remarquables. Les communes naissantes obtenaient de temps en temps, mais isolément, quelques propriétés, les individus quelques concessions, quelques privilèges.

Les faits saillants de l'histoire du Val-de-Travers n'abondent pas dans le XIVe siècle. A Amédée succéda Rollin ou Raoul, son fils, qui en 1311 rendit hommage à Jean de Châlons. En 1337, Raoul accorda aux habitants de sa terre de Mijoux (Verrières) et de la Côte-aux-Fées certains privilèges; il les déclara quittes de la taille et de la main-morte. Il leur demanda seulement « le lods au douzième denier; deux sols pour chaque cheval ou chaque boeuf, un sol par vache et quatre deniers par chèvre ou mouton; ceux qui n'auront pas de bétail payeront deux sols ». A ce moment-là les Verrières se composaient de maisons isolées. D'après les reconnaissances dressées à la fin du règne de Raoul, on distinguait six classes d'habitants : les nobles en très petit nombre; les francs ou hommes libres, descendants des gens de guerre ; les bourgeois, créés par la Charte de 1214 et qui avaient acquis la bourgeoisie de la ville; les francs habergeants, qui n'étaient autres que les étrangers reçus ou habergés par le seigneur suivant l'expression de l'époque; les francs-sergents dont l'obligation principale était la garde du Châtelard; enfin, les taillables qui devaient l'usage et la taille.

Le comte Louis, comte et seigneur de Neuchâtel, ayant vendu en 1343, du consentement de Catherine, sa femme, les biens qu'elle avait eus à titre de douaire (droit qu'avait la veuve sur les biens de son mari), lui assure le capital de cette vente en lui assignant le Châtelard du Vauxtravers et toutes les villas qui dépendent de la seigneurie de ce lieu qui s'étendait « depuis le lieu appelé Bayhiart (Bayards) jusqu'au lieu appelé la Clusate (la Clusette entre Rochefort et Noiraigue) ». C'était la ruine politique du prieuré, ruine à laquelle devait bientôt succéder la ruine matérielle. Jusqu'alors les limites de l'ancien domaine du Prieuré ne s'étendaient pas au delà de la Combe et de la Tour Bayard d'un côté et de la Clusette de l'autre. Les Verrières faisaient partie de la terre de Joux. Mais déjà sous le comte Rodolphe (1337) une partie de cette terre, c'est-à-dire Mijoux, la Côte-aux-Fayes et les Verrières Suisses avaient passé aux sires de Neuchâtel. Le comte Louis, toujours pressé d'argent, quelques mois après avoir vendu le Val-de-Travers à sa femme Catherine vendit aussi à Guidon de Romont, comme fief, la villa appelée la bonne villa "des Verreyres... depuis le lieu dit Bayar jusqu'à la villa des Verreyres du sire de Joux". Il faut cependant que ce fief ait été racheté par le comte Louis, car nous verrons plus loin qu'en 1372 il en disposa en faveur de Girard, bâtard de feu Jean son fils.

En 1366, le comte Louis attaqua Philippe, duc de Bourgogne, et, dévasta ses terres près de Besançon. Le duc pour se venger vint brûler le Val-de-Travers, fit prisonnier le comte Louis avec d'autres et ne les relâcha qu'après avoir obtenu ce qui lui avait été pris. Louis mourut en 1373. En 1367, le comte Louis ayant acquis de l’empereur plusieurs droits régaliens, on prétend qu'il établit au Vallon une justice criminelle, présidée par un châtelain, la justice civile devint sédentaire. Un événement malheureux valut quelques franchises à cette contrée. Jean, fils du comte Louis, fut fait prisonnier en Bourgogne : il fallut trouver la grosse somme promise pour sa rançon et ce fut à cette occasion que le comte Louis vendit des franchises à ses sujets du Val-de-Travers, entre autres son droit d'Ohmgeld (ou de Tavernage) pour 650 florins, droit que les communes revendirent ensuite à la maison Du Terreaux. A cette occasion le comte Louis voulut que ses successeurs jurassent l'observation des franchises de ces peuples, et c'est là que se trouve l'origine des serments réciproques qui se célèbrent à Môtiers à l'avènement d'un nouveau souverain et où tous les habitants de cette ancienne baronnie, qui ne sont pas appelés ailleurs à raison de leurs bourgeoisies, devaient se rendre. C'est encore à cette époque, c'est-à-dire sous le règne du comte Louis, qu'on doit rapporter l'origine du banneret du Val-de-Travers (cette charge remonte à l'époque de la féodalité et on donnait ce nom au vassal qui parvenait à fournir au comte un certain nombre d'hommes libres équipés pour le suivre en guerre; comme récompense le comte donnait à son vassal une bannière qui devait être en même temps le signe de son autorité. Cette charge fut introduite dans les villes et provinces, le Val-de-Travers eut le sien en 1370) ; il siégeait dans les anciennes audiences à côté des bannerets de Neuchâtel, du Landeron et de Boudry. Le banneret était à la fois l'un des chefs de la milice, l'organe du peuple et le surveillant des franchises et coutumes, et était pris parmi les habitants de la contrée. Cet office a cessé d'exister au Val-de-Travers au XVIIe siècle avec la nouvelle organisation des milices.

Par son troisième testament, le comte Louis instituait ses filles Isabelle et Varenne comme héritières et détachait de la juridiction de Môtiers les Verrières qu'il donna à Jean et à Vauthier ses bâtards : «Et premièrement les dessus dictes Ysabel et Vrena mes bien amees filles fait mes hoirs... dou chastellart dou Vaultravers et de tout le vaul dou dit louf et de toutes lour appertinences... Item vuil et ordine que mes dictes filles soyent tenues et doigent reimbre davant dus ant après lensinuation de ce presant testamant la gagière de Miejour… la ballyent à Jehan et Vauthier, mes bâstard… ». Mais la comtesse Isabelle s'empara des Verrières qui furent détachées en 1373 de la juridiction de Môtiers par le comte Louis et érigées en Mairie et promit de les remettre à Jean et à Vauthier, à leur majorité. Elle renouvela les franchises précédemment accordées; elle accorda en outre des terres en fief à deux gentilshommes gascons: Ces deux cadets de maison, dont l'un s'appelait Antoine d'Andoing et l'autre Pierre d'Unillacq, s'étant retirés dans le Brisgau où ils auraient rendu de bons services pendant quelques années à Égon, comte de Fribourg, père de Conrad, on fit, pour les gratifier, épouser au premier la fille unique de Du Terraux (donzel et châtelain de Môtiers qui était le dernier de sa maison). Antoine d'Andoing, en épousant cette héritière, eut son fief et prit en même temps par le consentement de la comtesse le nom et les armes des Du Terraux. On donna à défricher à Pierre d'Unillacq des terres qui étaient couvertes de bois et l'on prit occasion de l'appeler Du Bois ; de là vint qu'ils changèrent de nom tous deux. La postérité de ce D'Unillacq, autrement Du Bois, fut une des plus nombreuses du comté. Ce sont les Du Bois d'aujourd'hui, et quoique leur origine soit noble ils n'étaient pas regardés comme tels; ils étaient tous paysans et habitaient pour la plupart Travers, Rosières et Noiraigue. La terre qui avait été accensée à ce D'Unillacq porte aujourd'hui le nom de Vers chez le Bois ou vers chez les Bods. Isabelle organisa la justice du pays et établit au Vauxtravers une cours de justice locale; elle mourut en 1395 en instituant comme héritier Conrad de Fribourg.

Isabelle avait ordonné à son successeur de remettre les Verrières (et Rochefort) à Jean et Vauthier. Conrad refusa de mettre cet ordre à exécution. Ce fut dès lors une suite de démêlés dans lesquels Vauthier usa de tous les moyens frauduleux pour entrer en possession de ses fiefs. Il y parvint plus ou moins, mais ne cessa d'avoir des difficultés avec Conrad. Sous le règne de Vauthier, le château de Rochefort était devenu un lieu de brigandage. On prétendait qu'au moyen de signaux correspondant entre le château de Bevaix, celui de Rochefort, et celui de Roussillon au-dessus de Buttes, on se prévenait d'un lieu à l'autre que des voyageurs devaient passer. S'ils échappaient à l'un de ces postes, ils ne manquaient pas de tomber dans les embûches tendues par l'autre. Le comte de Neuchâtel informé de ces faits fit raser les trois châteaux. Vauthier finit par tomber entre les mains de Conrad qui lui fit couper la tête le 19 février 1412. Les Verrières furent alors réunies au domaine. Par contre, Conrad détacha Travers de la Châtellenie et l'érigea en seigneurie en 1418, et remit celle-ci à Jean de Vaumarcus, se réservant cependant le droit de glaive. La justice de Travers pouvait instruire la procédure d'un criminel, prononcer même la peine de mort, mais la cour de Môtiers pouvait seule le livrer au bourreau. L'acte d'inféodation de la terre de Travers réserve que le Seigneur fera garder par ses sujets le fort de la Clusette, et l'on sait qu'en 1476, lorsque Charles le Téméraire voulut pénétrer dans le pays, on garnit aussi le passage de la Clusette de quelques troupes. Ces faits démontrent qu'il devait exister dans l'endroit escarpé entre Brot et Noiraigue un fort, dit de la Clusette, bâti dans le courant du moyen âge et qui gardait l'entrée du vallon. Il n'en reste aucun vestige, mais son existence est constatée par des documents irrécusables.

Le Val-de-Travers possédait donc à cette époque : la Châtellenie (depuis 1347) avec une cour civile et une cour criminelle; la Mairie des Verrières (depuis 1373) avec une cour civile, le criminel appartenait au châtelain du Vauxtravers; la Mairie de Travers (depuis 1413) avec une cour civile et criminelle mais n'avant pas le droit d'exécution, qui revenait à la cour de Môtiers. L'autorité judiciaire avait comme emblème le sceptre. Le sceptre des cours de justice en usage déjà dans les temps reculés, aboli en 1848, résumait l'autorité du prince et celle de la justice. C'est sur le sceptre que l'on prêtait le serment et que l'on jurait de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Le corps de ces sceptres est en bois noir couvert d'aigles, ou de chevrons argentés, surmonté de l'aigle royal posé quelquefois sur d'élégants supports à trois consoles et terminé dans le bas par une pomme argentée précédée souvent de renflements et de listels. En 1424, Jean de Fribourg succéda à son père Conrad; il prêta serment à tous les peuples du Comté et confirma les franchises aux habitants des Verrières. Il régularisa les droits de la justice de Travers et fixa la composition des assises. Rodolphe de Hochberg reçut le comté en 1450, et son règne n'est marqué au Val-de-Travers que par la date de 1476. Le duc de Bourgogne voulait entrer en Suisse par le Val-de-Travers et prétendait exterminer tous ceux qui s'opposeraient à son passage, mais Rodolphe de Hochberg renforça de cinquante hommes la garnison de la Tour Bayard (elle était déjà de trois cent cinquante hommes). Le chanoine Hugues de Pierre, chroniqueur du chapitre de Neuchâtel, raconte l'événement comme suit : « Les gens de la Bonne-Ville, Biel, Cerlier et Landeron, arrivés en toute haste, furent ordonnés à la garde de la Tour Bayard où faisait beau voir accoure pareillement tous les hommes forts et gens de bien de la comté, aussi ceux de Monsieur de Valangin. Des archers furent mis et embusqués à la roche de Saint-Sulpy et en celle de la Cusseta (la Clusette). Bonne garde ainsi faicte et ordonnée, apparaît l'avant-bataille des Bourguignons cuydant descendre par la Tour Bayard et criant aux nostres de retrayer la chaîne et bailler passage, sinon tous pendus seraient. A cette semonce, ne fut respondu qu'à grands coups d'arquebusades; tant et si bien furent frottés les plus curieux et hardis Bourguignons que tous virèrent dos. Sur ce, le grand duc voyant le passage de la Tour Bayard clos aux siens, chemina sur Jougne et posa son ost devant Grandson. »

Rodolphe de Hochberg mourut en 1487 et eut pour successeur Philippe de Hochberg qui gouverna le pays jusqu'en 1503. La vie de chaque communauté est à cette époque dans son plein déploiement. Les fonctionnaires principaux : les justiciers, les gouverneurs (le grand et le petit), les anciens, les membres des conseils, les guets, les messeliers et jusqu'aux besageux (chargés du soin des fontaines) sont nommés chaque année dans l'assemblée générale de la Commune, le jour des Rois, puis solennellement installés dans leur poste après avoir prêté le serment, serment souvent très détaillé. Les archives communales contiennent ces serments qui ne diffèrent entre eux que par les détails des fonctions à remplir.

Jeanne de Hochberg reçut la direction du comté qu'elle administra pendant son long règne de 1503 à 1512 et de 1529 à 1543. Entre temps, les douze cantons gouvernèrent. Cette période de l'occupation du comté par les cantons suisses fut somme toute favorable au développement du comté. Mais les cantons avaient fait sentir bien rudement au Val-de-Travers qu'ils étaient les maîtres du pays. Indignés de ce qu'un certain nombre de Neuchâtelois s'étaient enrôlés sous les drapeaux du roi de France contre lequel les cantons combattaient en Italie, ceux-ci envoyèrent trois cents soldats au Val-de-Travers en exécution militaire. Les réfractaires furent soumis à une amende de dix livres chacun, et s'ils ne pouvaient pas payer comptant ils avaient vingt jours de prison. Les chefs furent bannis, leurs biens confisqués et l'ordre fut donné an baillif de procéder immédiatement à un partage de ces biens entre les frères et soeurs, femmes et enfants des rebelles.

Une autre question qui aurait pu devenir grave fut réglée à l'amiable pendant que les cantons occupaient le comté. Il s'agissait de la délimitation de Neuchâtel et de la Franche-Comté. Les cantons réclamaient la garde du Val-de-Travers qui avait appartenu antérieurement au souverain de Neuchâtel. Ils allaient occuper le territoire contesté, lorsqu'une ambassade de l'empereur les arrêta. Mais celui-ci se vit contraint, pour les engager à se désister de leurs prétentions, de leur donner mille florins d'or. La démarcation des limites eut lieu au mois d'août 1594 et fut suivie du traité signé à Môtiers le 2 septembre suivant. Le gouvernement passa ensuite aux mains de la maison d'Orléans-Longueville jusqu'en 1707. Les six communes de la Châtellenie (Môtiers, Boveresse, Couvet, Fleurier, Saint-Sulpice, Buttes) avaient des intérêts communs dès le XlVe siècle. Chacune a obtenu du comté des propriétés foncières, des forêts, des pâturages, des exemptions. De leur côté les particuliers se sont successivement rachetés de quelques servitudes et ce fut sous Henri Il d'Orléans-Longueville que les dernières traces de main-mortalité disparurent. Ces communes avec celles de Travers et de Noiraigue devaient chacune 572 émines de froment au souverain pour le droit de fournage qui leur avait été concédé. Par acte du 31 mars 1831 cet impôt fut abandonné. L'événement capital de cette période fut la Réformation dont nous avons donné les péripéties dans un précédent chapitre. Cette époque est en outre marquée par des modifications assez importantes dans l'organisation judiciaire et législative du pays. C'est le temps des Consistoires seigneuriaux dont un existait à Môtiers, et des consistoires admonitifs dans chaque paroisse. Le consistoire seigneurial de Môtiers pour tout le Val-de-Travers fut établi en 1538, ainsi que celui de Travers. Celui de Môtiers était composé de tous les ministres de la baronnie du Val-de-Travers; chaque ministre prenait avec lui un ancien, et ce conseil était présidé par le châtelain. Celui de Travers, présidé par le maire, se composait du lieutenant, du pasteur et de quelques justiciers qui portaient le titre d'assesseurs. Les consistoires seigneuriaux reprenaient et châtiaient tous ceux qui commettaient contre les bonnes moeurs des fautes qui cependant n'étaient pas criminelles. Les consistoires admonitifs, composés du pasteur et des anciens, donnaient des exhortations, des censures, des menaces, interdisaient le Saint-Sacrement et renvoyaient les cas graves aux consistoires seigneuriaux.

Les forêts avaient été tellement ruinées par les maîtres de forge que les communes du Val-de-Travers craignaient à ce moment que le bois ne fît défaut. En 1627, Henri Il affranchit tout ce qui restait de main-mortables qui à ce moment formaient le tiers des habitants du Val-de-Travers. Tous furent affranchis sous le nom de francs-sujets, moyennant le paiement d'une somme égale à la sixième partie de leur bien, un léger cens personnel et l'obligation de ne pas prendre bourgeoisie, ni marier leurs filles uniques à des étrangers. Vers 1650 la réputation de l'industrie neuchâteloise s'étend au loin. En outre les hommes de guerre tous grands et forts sont connus comme bons soldats. Il y en avait 820 (120 à Travers, 400 au Vautravers et 300 aux Verrières) au Val-de-Travers, tous portant armes. Les pauvres et les indigents avaient le droit de mendier et dans ce but on marquait leurs habits. L'ordonnance signée Wallier dit : «Voyans le nombre des mendians s'accroître de jour à autre, occasion de ce que plusieurs au lieu de s'adonner au travail par lequel ils pourraient se subvenir se glissent parmi ceux qui sont vrayement pauvres et dignes de l'aumosne, à la surcharge du pays ; est la cause (pour y prévenir) que nous vous ordonnons de faire construire des marques et s'il y en a aucun d'iceux qui refusent de porter telle insigne de pauvreté, ils seront exclus de l'aumosne.» Couvet n'en comptait pas moins de 97. Il y en avait du reste un peu partout. Les mandements somptuaires étaient alors d'une extrême rigueur. La fin du XVIe siècle et le commencement du XVIIe siècle furent marqués par la persécution des sorciers. De 1580 à 1626, trente-trois sorciers (vingt-trois hommes et dix femmes) parurent à la barre du tribunal siégeant à Môtiers et la plupart furent condamnés à être brûlés vifs et leurs cendres jetées au vent. Deux seulement furent déclarés innocents et libérés. En 1616, dans une seule semaine, quatre sorciers furent irrévocablement jugés et condamnés. La justice était alors expéditive et sommaire. La fin du XVIIe siècle présente malgré tout plus d'un progrès, les moeurs s'étaient adoucies, les mandements étaient moins sévères. On travaillait beaucoup, la prospérité était revenue, les sorciers ne faisaient plus parler d'eux, l'agriculture et l'industrie surtout étaient dans une bonne voie. Le Val-de-Travers à cette époque est toujours divisé en trois parties : la Châtellenie du Vauxtravers, la Mairie des Verrières et la Seigneurie de Travers. Au début du XVIlle siècle la population s'augmenta d'un grand nombre de réfugiés réformés. Ils arrivèrent en foule dans le Val-de-Travers (en 1703, le seul village de Couvet en reçut 643). Des collectes furent organisées à leur intention et dans le but de permettre à plusieurs d'entre eux de poursuivre leur voyage. Toutefois le zèle se refroidit un peu, car de prétendus réfugiés abusèrent de l'hospitalité des habitants du Vallon et on dut interdire de les recevoir.

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